Grands Cristaux sur Porcelaine

 

GLAÇURES
 
 
Mes toutes premières glaçures cristallines en mars 2002

 
 
Cet article résume ce qui est le point de départ de mon aventure dans les cristallisations. Sans cette première réussite encourageante je ne serais peut-être jamais allé aussi loin dans mes recherches par la suite.
 
Mon intérêt pour les glaçures cristallines est apparu lors de mes échanges avec Chatt McGonagill au début 2000 pour l’aider à réduire la température de cuisson de ses glaçures cristallines. Cet Américain du Mississippi retraité de l’Aéronavale de Pensacola s’était pris de passion pour les cristallisations et avait monté un atelier chez lui dans sa propriété de Lauderdale (Brikalo : https://members.tripod.com/brikalo_pottery/brikalo.htm). Je trouvais bluffant les effets obtenus sur ses porcelaines et j’ai voulu essayer à mon tour.
 
Pour commencer j’ai construit un four électrique sur mesures, de faible puissance (3 kW) et super bien isolé (300 mm de fibre) avec un volume utile de cuisson 40x40x40 cm. La construction de fours électriques faisant partie de mes compétences professionnelles, il était facile pour moi de réaliser la carcasse mécano-soudée, le garnissage en fibre, le calcul et le façonnage des résistances, la pyrométrie et la régulation. Le four a été fini à l’automne 2001. II est muni d'un clapet sous la sole qui permet un refroidissement lorsqu'il est ouvert en même temps que la cheminée, ceci pour permettre une chute rapide de la température après le pic maximal pour atteindre le palier de croissance des cristaux.
 
 
 
Four electrique 3 kW - 64 litres - 1300°C
Four électrique 3 kw - 64 litres - 1300°C
 
 

 

Mes premières glaçures cristallines ont été obtenues à partir de notes recueillies dans le livre de Peter Ilsley « Macro-Crystalline Glazes », un des rares ouvrages de référence de l’époque paru en 1999.

Cet ouvrage est une mine d'informations sur les cristallisations.

Je me suis inspiré de la recette de base indiquée à la page 62 de cet ouvrage pour commencer mes travaux de cristallisations.

 

livre de Peter Ilsley - Macro-crystalline glazes

Moi et Peter Ilsley le 18 novembre 2006 chez Paola Lumbroso pour l’exposition « Cristallisations Contemporaines » dans sa galerie « aux Trésors Perdus » de St-Ouen

Denis Caraty et Peter Ilsley
 
 
 
Recette Base Glaze 1 (page 62 du livre de P. Ilsley) :
 
 
Degussa frit 90208M

42

Calcined zinc oxide

24

Flint

27

Titanium dioxide

6

Molochite (kaolin calciné)

0.4

Finnfix

0.2

 
 
Première difficulté, la fritte Degussa 90208M n’était plus disponible sur le marché. Cette fritte était très particulière, sa formule était proche de celle du silicate de sodium, avec en plus un peu d’alumine.
 
Formule en % pondéral de la Fritte 90208M (page 64 du livre de P. Ilsley) :
 
 
Silice (SiO2)

62

Sodium (Na2O)

29

Alumine (Al2O3)

9.5

 
 
Formule en % pondéral de la Base de Glaçure N°1 de P. Ilsley  :
 
 
Oxyde de zinc (ZnO)

24.05

Sodium (Na2O)
12.21
Potassium (K2O)
0.01
Alumine (Al2O3)
4.23
Silice (SiO2)

53.47

Dioxyde de titane(TiO2)

6.01

 
 
Après avoir listé toutes les frittes alcalines fortement sodique et peu alumineuse du commerce, j’en ai retenu deux qui pouvaient permettre une approche la formule de P. Ilsley :
 
- La fritte JM 2495 de Johnson-Matthey
- La fritte Ferro TR109 (Fritte utilisée en émaillerie sur tôle)
 
Ces deux frittes quasi-identiques permettaient une substitution la plus proche de la formule de Peter Ilsley, avec des différences au niveau potassium, calcium et zinc. Il faut considérer la présence de zinc dans ces frittes comme un avantage car la composition de la glaçure nécessitera moins de zinc calciné. Le potassium est un alcalin, son rôle sur les glaçures s’exerce surtout sur la tension superficielle comparé à celui du sodium. Le calcium, son influence restait à définir sur les cristaux. Je décidais d’opter pour la fritte 2495 de Johnson Matthey pour mes premiers essais car je pouvais m’approvisionner rapidement d’un sac de 25 kg depuis l’agence de Bobigny.
 
Les substitutions de frittes ne sont jamais réalisables à 100 %, il faut souvent se contenter de la meilleure approche. Et pour substituer la fritte 90208M ce n’était pas vraiment facile.
 
 
Composition de la fritte Johnson-Matthey JM 2495 :
 

 

oxydes
% mass
% mol

Seger

CaO
3.01
3.38
0.107
ZnO
8.62
6.68
0.212
Na2O
19.34
19.69
0.624
K2O
2.71
1.81

0.057

Al2O3
2.91
1.80

0.057

SiO2
63.43
66.63
2.110
 
 
Composition de la fritte Ferro TR 109 :
 
 
oxydes
% mass
% mol

Seger

CaO
3.00
3.35
0.112
ZnO
8.00
6.15
0.205
Na2O
19.00
19.19
0.639
K2O
2.00
1.33

0.044

Al2O3
2.00
1.23

0.041

SiO2
66.00
68.75
2.291
 
 
Voici la formule de substitution la plus proche obtenue avec la fritte JM2495 dans mes calculs :
 
 
oxydes
% mass
% mol

Seger

CaO
1.50
1.79
0.054
MgO
0.01
0.01
0.000
ZnO
23.95
19.67
0.598
Na2O
9.67
10.43
0.317
K2O
1.42
1.01

0.031

Al2O3
3.98
2.61

0.079

SiO2
53.38
59.38
1.805
TiO2
6.08
5.09
0.155
Fe2O3
0.03
0.01
0.000
 
 
A partir de cette composition :
 
 
Matières

%

Oxyde de zinc calciné
19.55
Alumine calcinée
1.36
Silice C400
20.00
kaolin

2.97

Fritte JM2495

49.82

Dioxyde de titane
6.05
Bentonite
0.25
 
 
Colorations de mes 4 premières glaçures avec cette composition de glaçure :
 
Coloration N°1
(idem page 41 du livre de P. Isley)
Carbonate de cuivre : 2%
On obtient un fond vert jade avec de grands cristaux vert argentés
 
Coloration N°2
(idem page 37 du livre de P. Isley)
Carbonate de Cobalt : 2%
Dioxyde de manganèse : 1%
Nombreux gros cristaux bleus sur fond tan.
 
Coloration N°3
Carbonate de cuivre : 2%
Dioxyde de manganèse : 2%
Gros cristaux argentés sur fond moucheté marron
 
Coloration N°4
Oxyde de cobalt noir : 3%
Oxyde de cuivre noir : 1%
On obtient un fond diffus miel moucheté de noir avec des cristaux bleus intenses
 
 
 
Résultats de ma première cuisson de cristallisation du 27 mars 2002 sur petits œufs de porcelaine obtenus par coulage et biscuités à 1020°C, installés sur catchers pour recueillir les écoulements :
 
 
Mes 4 premieres glacures cristallines / Denis Caraty
 
 

 

 

Courbe de cuisson N°1 du 27 mars 2002 :
 
 
Température

Temps

remarques

20
0

600
1h15

1000
1h00

1200

1h15

1280

1h00

1280
0h02

Pic maxi de température

1080
0h30

Ouverture de la cheminée et de l’évent sous la sole pour chuter de 200°C

1080
2h15

1050
0h08

Pic bas à 1050 pour estimer la vitesse de cristallisation

1080
0h08

1080
2h15

1020
0h10

1020
1h00

palier de fin de cuisson pour créer la frange externe des cristaux.

temps total :
10h58 de chauffe

 
Les résistances étaient neuves, elles ont permis cette montée rapide à 1280°C. Par la suite le temps de montée au pic maxi à été fixé à 8 heures pour ménager l’usure des résistances.
 
 
 
Porcelaine de coulage pour 1280°C
1er essai (24/03/2002)
 
Substitution en partant de la recette de Peter Isley (page 43 du livre de P, Ilsley) avec des matières disponibles :
 
 
Matières

Quantité (poids)

Kaolin kerbrient (Grolleg P-I)
1080
Felds HP1 (FFF P-I)
560
Silice
280
Bentonite

35

Eau

1000

Réactif Réotan L (Silicate P-I)
8.5
 

Formule de Seger

MgO

0.072

Al2O3

4.843

SiO2

21.422

Na2O

0.055

Fe2O3

0.050

TiO2

0.014

K2O

0.879

 
 
Cette recette a été modifiée par la suite pour régler sa vitrification et son retrait pour une température maxi de 1260°C au lieu de 1280°C.
 
 
 
En résumé :
 
En partageant cette première expérience, je montre l’importance des calculs de glaçure et les limites des substitutions quand il s’agit de frittes un peu spéciales comme la 90208M.
Les résultats obtenus avec les produits de substitution de la glaçure, ceux de la pâte de coulage et la courbe de cuisson ont donné des effets très intéressants, mais la suite a montré que si la nature de ces éléments change légèrement ces résultats deviennent très différents et peuvent même être très décevants. Cela montre l’importance de noter toutes les conditions réunies lorsqu’on travaille sur ce type de produit car les interactions sont multiples entre le four, la glaçure et la terre.
Les modifications de la recette globale (terre, glaçure, cuisson) ne doivent s’opérer que par un élément à la fois sous peine de se perdre dans la complexité des résultats.
Dans la recette globale entrent également la méthode de finition des objets, les propriétés de la barbotine de coulage (viscosité, thixotropie, densité), la préparation de la glaçure, son application, etc... tout participe au résultat final.
La cristallisation sur pièces coulées est plus délicate à maîtriser que sur pièces tournées, l’état et la qualité minérale de la surface sont plus aptes à variations et influencent fortement le résultat.
La suite de mes travaux a montré que lorsque tous les paramètres de la recette globale sont respectés et suivis, les résultats des cristallisations sont réguliers et stables sur des pièces coulées.
 
Denis Caraty, Céramiste / Décembre 2023
 

 

 
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